Après l’accordéon, les tambours (François d’Orcival)
gillesdavid | 12 mai 2012LA DROITE A UN DÉFI A RELEVER,
La fête ne durera pas plus d’un mois. Il y a déjà eu la Bastille (sans drapeaux tricolores, comme quoi le naturel est revenu au galop), nous allons avoir l’Élysée, sa cérémonie d’installation, les honneurs militaires, la remontée des Champs-Élysées, les symboles. Puis la semaine prochaine, Matignon et la gauche qui reprend les clés partout, en attendant, le 17 juin au soir, second tour des élections législatives, l’arrivée des mêmes au Palais-Bourbon.
Nous avons eu l’accordéon, nous aurons les tambours. Ils ne battront pas longtemps.
Élu grâce à la complicité de 2 millions de bulletins blancs et à la faveur de 2 millions de voix venues de chez Marine Le Pen et François Bayrou, François Hollande fera comme François Mitterrand en 1981 et Lionel Jospin en 1997 : il va commencer par distribuer de l’argent qu’il n’a pas – au nom de la justice et de l’égalité. En 1981, Mitterrand doubla le déficit en augmentant les allocations de toute nature et en recrutant aussitôt 54 000 fonctionnaires, avant de devoir dévaluer le franc ; en 1997, Jospin ordonna aux préfets de surveiller les entreprises qui présentaient des plans sociaux, il menaça de contrôler les licenciements, lança les emplois-jeunes en demandant à la SNCF d’en recruter, arrêta le surgénérateur Superphénix, comme Mitterrand l’avait fait pour la centrale de Plogoff, et il prépara la réforme du code de la nationalité.
François Hollande a encore moins de moyens d’agir que Mitterrand et Jospin. Il a fait campagne contre Sarkozy et son bilan, le chômage, les déficits et la dette, cela ne va pas l’empêcher de prolonger les déficits, de reporter la réduction des dépenses, d’embaucher des fonctionnaires. Mais il aura la main modeste : il n’augmentera que l’allocation de rentrée scolaire et ne gèlera que pendant trois mois le prix des carburants… Naturellement, il fera lui aussi un geste pour les Verts, en fermant la centrale nucléaire de Fessenheim. À la fin du mois de juin, il disposera du rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques ; ce sera la dernière fois qu’il pourra dresser le procès de la gestion de son prédécesseur. Ensuite, ce sera la trêve estivale, même pendant la session du Parlement consacrée pour l’essentiel à l’augmentation des impôts.
Et pendant ce temps, plus de crise ? On continue dans le déni de réalité dénoncé par l’hebdomadaire britannique The Economist ? On “déjeune sur l’herbe”, comme s’il ne se passait rien ni en Grèce, ni en Espagne, ni en Allemagne, comme si la confiance et la croissance étaient subitement revenues ? La crise aura tôt fait d’éteindre les lampions de la fête présidentielle. Dans trois mois, dans six mois, le procès de Sarkozy appartiendra au passé ; ce sera le tour de Hollande. Car le chômage n’aura pas disparu et la France devra encore emprunter 500 millions d’euros par jour à des taux de plus en plus chers. “Faire payer les riches” ne suffira pas. Alors les électeurs de Mélenchon se dresseront devant le président de la République et lui demanderont des comptes : « qui t’a fait roi ? », « où en est le smic à 1 700 euros ? » Ils lui diront : « le chômage, maintenant, c’est toi ». François Hollande fera comme les autres : ce ne sera pas de sa faute ; il s’en prendra aux patrons « qui ne jouent pas le jeu », aux « riches qui ne sont pas patriotes », à cette « opposition droitisée et revancharde » qui n’a pas compris le sens de l’Histoire, à la chancelière allemande qui refuse d’être solidaire. Mais il faudra bien qu’il détourne l’attention, qu’à défaut de calmer les “prolos” il séduise les “intellos” : il accélérera les réformes sur le mariage, la famille, l’euthanasie, le droit de vote des immigrés.
La droite regardera-t-elle la scène avec fatalisme, ironie ou désespoir ? Elle peut faire mieux, en s’inspirant du beau message que lui a laissé Nicolas Sarkozy, le soir du 6 mai, celui d’être digne, d’être forte, et de songer à la France. Les électeurs de droite, les 16,8 millions qui se sont portés sur Sarkozy et même ceux qui se sont perdus dans les votes blancs, n’ont pas disparu. François Hollande leur a offert une chance à saisir. Le soir de son duel télévisé avec Sarkozy, il a précisé que ses réformes les plus emblématiques, celles qui supposent une révision de la Constitution (le droit de vote des étrangers notamment) auraient besoin d’une majorité des trois cinquièmes au Parlement, faute de quoi il déciderait de soumettre la question au référendum. C’était une manière de lancer à la droite un défi ; à elle de le relever : grâce aux élections législatives, elle peut détenir un droit de veto sur l’action et les projets de François Hollande. Un droit de veto pour l’empêcher d’être l’otage de ses extrémistes. François d’Orcival, de l’Institut.